Whisky japonais Nikka : son histoire

Whisky japonais Nikka : son histoire
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Les Ecossais et les Irlandais se disputent la couronne des pères fondateurs du whisky. Au Japon, ce ne sont pas deux pays, mais deux familles qui estiment être en droit de revendiquer l’origine du whisky nippon. Les distilleries créées par Shinjiro Torii et Masataka Taketsuru sont encore en activité. Elles représentent la quintessence du savoir-faire nippon en matière de spiritueux. La première se nomme Suntory et la seconde Nikka. Et si indéniablement Suntory fut la première à vendre une bouteille de whisky (1929), c’est l’histoire du fondateur de Nikka qui est la plus romanesque. 

Il était une fois, un Japonais amoureux de l’Ecosse…

Masataka Taketsuru n’est pas tombé dans une cuve de whisky quand il était enfant, mais il est né dans une famille dont le papa était producteur de saké (l’alcool national élaboré à base de riz). Et puisque les chiens ne font pas des chats, Masataka devient logiquement chimiste et s’intéresse particulièrement aux méthodes de distillation. Ses études terminées, il est recruté en 1916 par la distillerie Settsu Shuzo. Son esprit curieux et son dynamisme vont inciter son patron à l’envoyer effectuer un voyage d’études, en Ecosse, dans le but de produire un whisky sur le sol japonais.

Masataka s’inscrit donc à l’université de Glasgow en 1918, tout en effectuant des stages dans plusieurs distilleries du pays. Il rencontre sur les bancs de l’université une jeune étudiante, Ella Cowan, qui l’invite dans sa famille. Ella a une sœur cadette, Rita, qui séduit Masataka et c’est tant mieux, car elle a le désir fou de suivre son jeune amant au Japon. Jessie Roberta, qui préfère se faire appeler Rita, insiste auprès de sa famille pour que celle-ci accepte le projet d’un mariage qui, finalement, sera célébré en 1920, quelques semaines avant la date du retour de Masataka Taketsuru pour le Japon.

Un assemblage hasardeux… 

Heureux en couple, mais malheureux au travail, Masataka comprend vite que les conséquences de la Première Guerre Mondiale ont fragilisé l’économie de son archipel de naissance. Son patron n’a plus les moyens de financer le lancement d’un whisky japonais et préfère concentrer son énergie sur la production d’alcools locaux. Masataka Taketsuru quitte la distillerie en 1921, la même année où son futur concurrent (le fondateur de Suntory) décide de créer son propre whisky pour être en phase avec les goûts de ses compatriotes. Mais comment faire ? Comment respecter les codes d’un bon whisky qui soit apprécié par les Japonais ? Tout simplement en faisant appel à un Japonais qui aurait appris son métier au sein même des distilleries écossaises… 

Mariés pour le meilleur, mais pas pour longtemps…

Masataka Taketsuru va donc travailler pour Shinjiro Torii, afin de créer le premier whisky japonais. Ce mariage entre deux futurs concurrents est donc un nouveau clin d’œil du destin, mais les convictions déjà très affirmées du futur créateur de Nikka témoignent de son ambition secrète. Shinjiro Torii est ainsi convaincu que la distillerie qu’il leur faut construire doit tenir compte des particularités du climat japonais, alors que Masataka pense le contraire : que pour faire un bon whisky, il faut implanter sa distillerie dans une région comparable climatiquement à l’Ecosse. Masataka a aussi retenu une autre leçon de son voyage initiatique : la qualité de l’eau est fondamentale pour élaborer un alcool de qualité. Il a donc repéré l’île d’Hokkaido, et son cours d’eau le Yoichi, qui lui semblent un emplacement parfait pour y construire une distillerie. Mais le patron, c’est Shinjiro Torii et c’est lui qui décidera où construire les bâtiments de Suntory.

Masataka Taketsuru quittera finalement Shinjiro Torii en 1929 et réussira en 1934 à construire sa propre distillerie, là où il savait pouvoir produire de grands whiskys : c’est-à-dire près de la rivière Yoichi. En 1961, Rita décède à l’âge de 64 ans. Masataka lui dédiera, la même année, son meilleur whisky : le super Nikka.